Pour faire sauter les clivages culturels au moment de la consultation : l’ethnopsychiatrie. Christine Théodore, psychologue-clinicienne, explique la méthode.
On a l'idée que chez certains sujets la construction dans le champ social, dans le champ symbolique est complètement prise dans des champs de signification culturelle. L'idée c'est de faire sauter le clivage. Les patients parlent comme ils ont l'idée qu'un médecin va recevoir ce qu'ils ont à dire donc de faire sauter ce clivage là pour que tout un pan de discours soit adressé au médecin sans honte et qu'on travailler avec ce pan de discours là. Tout un ensemble de significations auxquelles on n’aurait pas accès si on ne fabriquait pas un dispositif pour que ce discours puisse être tenu au sein de l'hôpital. Tout ce type de discours ne peut être tenu que si les patients ont l'idée que d'une part ça peut être entendu et d'autre part qu'ils vont être respectés dans ce discours et qu'on va pouvoir en faire quelque chose, avec un deal tout de même : c'est qu'il ne faut pas prendre la place du thérapeute traditionnel.
Les patients que je prends en charge sont quasiment tous des gens diagnostiqués schizophrènes par la psychiatrie. On n’est pas dans le psycho-social, on est dans un service de psychiatrie. Une bonne partie de mes indications sont des indications de l'intra-hospitalier donc des gens qui sont hospitalisés dans des situations de crise. Souvent on me demande de venir parce qu'on a des difficultés de diagnostic.
On prend en charge les gens dans le cadre d'une consultation de groupe, pendant deux années. Il y a une dizaine de rendez-vous, ça dure trois heures. Sont présents dans cette consultation des accompagnants, ça peut être la famille, ça peut être des accompagnants sociaux et puis il y a systématiquement un traducteur qui parle la langue d'origine. Il parle la langue vernaculaire le plus souvent possible et non la langue véhiculaire et en plus il connait les coutumes du pays d'origine. Il y a également des co-thérapeutes dont on essaie qu'ils soient d'une grande diversité de métiers, assistante sociale, infirmière, psychologue, médecin et on essaie aussi de diversifier les origines culturelles des co-thérapeutes. Il faut qu'il y ait du pluriel, de l'altérité en permanence dans la consultation.
Il y avait cinq familles au début, là on en est à trente. Statistiquement il y a très peu de ré-hospitalisations, des gens qui étaient non compliants pendant 10, 20 ans, le contrat minimum, c'est qu'ils prennent leurs médicaments et ne rechutent pas. Bien évidement on est plus ambitieux et on est très contents quand les gens vont jusqu'à bénéficier de toutes les structures de la psychiatrie et le CATTP et l'hôpital de jour se sont habitués par exemple à prendre en charge des gens analphabètes non francophones.